Sur proposition de Madame Vallaud-Belkacem j’ai été promue par décret du 17 mai 2016 « Chevalier de l’ordre National du Mérite », j’ai été décorée « Chevalière » par Madame Annie Guilberteau le 31 mars 2017 à la Mairie annexe Quatre Moulins à Brest.

Monsieur le Maire Adjoint Yann Guével nous a accueillis dans le beau salon de la mairie. Voici le discours de Madame Guilberteau puis le mien.

Discours d’Annie GUILBERTEAU à la

remise des insignes de l’Ordre National du Mérite à Monique Argoualc’h

Vendredi 31 mars 2017

Madame ARGOUALC’H, Chère Monique,

C’est avec plaisir et émotion que dans quelques instants, je vais te remettre une haute distinction que la République t’accorde en reconnaissance de 41 ans de choix consacrés à l’enseignement adapté.

Tu travailles pendant de nombreuses années dans une SEGPA. Puis, ces 15 dernières années au sein du dispositif relais qui accueille des élèves de divers collèges, en situation de décrochage scolaire et c’est bien là que tu développes avec ingéniosité et humanisme tes talents de Pédagogue.

Ta ligne d’horizon consiste à mettre au cœur de ta réflexion et de ta pratique, la volonté de redonner aux élèves le goût d’apprendre, le goût des autres et d’eux-mêmes. Tu parviens à faire émerger une confiance en soi perdue au fil des échecs scolaires accumulés antérieurement.

Tu les conduis à devenir, à leurs rythmes, les bâtisseurs de leur propre évolution. Les élèves deviennent ainsi actrices et acteurs de leur vie et de leur devenir…

Tu développes tes dons de pédagogue en te mettant à la portée des élèves qui te sont confiés. Tu fais émerger leurs potentiels cachés, tu leur apprends à regarder les difficultés non pas comme des échecs mais comme des obstacles à surmonter. Tu transformes les faiblesses en levier en forces…

Tu leur apprends à ne pas se démotiver mais à remettre sans cesse l’ouvrage sur le métier pour tisser petit à petit la trame d’une vie future dans laquelle ils et elles auront une place reconnue. En 2 mots : devenir des citoyennes et des citoyens à part entière et de plein droit… pour beaucoup d’entre eux ta méthode marche !….

Mesdames, Messieurs, chères ami.e.s, Monique, je la connais depuis plus de 20 ans.

Ne vous y trompez pas : derrière son allure d’éternelle adolescente se cache une femme forte, dynamique, énergique, volontaire… C’est une véritable combattante qui se révèle dès lors qu’il faut mobiliser ses forces pour faire émerger les talents cachés de ses élèves.

Monique ne renonce jamais, elle explique, argumente tranquillement jusqu’à convaincre le corps enseignant que les difficultés d’apprentissage des savoirs fondamentaux peuvent se travailler à partir de méthodes pédagogiques innovantes : mettre l’élève au cœur de son projet. Elle sait motiver, décloisonner les frontières entre les différentes matières enseignées du programme scolaire « ordinaire » pouvant se comprendre à partir de supports basés sur la créativité.

Elle crée une synergie d’acteurs (artistes, associations de quartiers, représentant.e.s du monde associatif, acteurs de la culture numérique et bien d’autres…) qui favorise l’apprentissage des savoirs fondamentaux à l’appui de projets créatifs.

Monique est une « Défricheuse de talents ».

Elle s’y est exercée très tôt y compris dans ses engagements associatifs. Elle connaît tous les recoins de la populaire et emblématique Place Guérin, ses atouts musicaux et artistiques. Elle crée des rencontres improbables, elle devient cofondatrice de notre rituelle « Foire aux croûtes » et en assure pendant plusieurs années la programmation artistique.

Mais, sans conteste, c’est dans sa vie professionnelle, que Monique fait renaître à travers sa recherche pédagogique le goût d’apprendre, le goût de la découverte, le goût des autres, par conséquent l’importance du respect !

Pour se faire, il est indispensable d’avoir chevillées au corps et au cœur les valeurs telles que la solidarité, l’humanisme et l’égalité.

Monique a construit l’architecture de sa personnalité au cœur d’une famille unie, au sein de laquelle l’entraide, l’égalité et le respect sont des valeurs essentielles…

Revenons à l’enseignement, j’ai eu la chance, il y a quelques années, d’intervenir dans l’une de ses classes. J’y ai rencontré des élèves, à l’écoute, intéressés, dès lors que l’on s’intéresse sérieusement à eux.

Monique ne fait pas, à la place de, elle fait avec et au rythme de chacune et chacun. Là réside tout son art de pédagogue de personne humaine, à l’écoute des besoins de ses élèves, plus généralement des autres.

Et puis bien sûr, encore fallait-il y penser : le mélange des générations, des expériences de vie, aussi différentes soient-elles ne peut que donner des résultats au bénéfice de toutes et tous.

Elle initie le projet « Intergénér@tions » en collaboration avec une maison de retraite. Lumineuse idée qui fait de ses élèves, des formateurs et formatrices qui vont mettre leurs compétences en informatique, au service de l’initiation des anciens, de la découverte des vertus communicatives qu’un ordinateur peut apporter quels que soient les âges. Ne plus avoir peur d’oser approcher le clavier de manier la souris, de dépasser l’idée : « l’informatique, je n’y arriverai jamais, ce n’est pas pour moi, çà n’est plus de mon temps, je suis trop vieille, trop vieux, je tremble trop….. » Les élèves s’accrochent, transmettent et ainsi offrent à leurs aînés la capacité de comprendre la magie d’internet et de la messagerie.

Quel bonheur de pouvoir, à 80 ans révolus, communiquer avec ses enfants et petits-enfants, ou se familiariser avec les nouvelles technologies. Il n’y a pas d’âges pour apprendre !

Ses élèves se mettent à la disposition des anciens pour les aider à gagner en autonomie, en reconnaissance de leurs compétences et de confiance en eux. Reconnaissance réciproque qui se développe dans la bienveillance mutuelle.

Belle réussite !

Monique ne laisse rien au hasard. Avant le démarrage de cette expérience, elle forme ses élèves à devenir de futur.e.s formatrices.teurs. Elle transmet son propre savoir. Elle nivelle par le haut et non pas par le bas !

A ses yeux, il n’existe aucune frontière entre personnes humaines. Elle combat les discriminations liées à l’origine, la classe sociale, l’âge ou le genre. Tout être humain se vaut.

Chacune et chacun doit pouvoir disposer des moyens adaptés pour trouver sa place dans notre société.

Sa conception humaniste de l’existence, socle de ses recherches pédagogiques innovantes, l’a conduite à bénéficier de belles reconnaissances professionnelles.

En 2013 elle reçoit les palmes académiques sur proposition du Ministre de l’Education nationale pour consacrer un engagement remarquable au service de l’éducation nationale. Elle fait partie de la promotion « Numérique éducatif » puis est invitée à Salvador de Bahia au Brésil au forum mondial des enseignants innovants.

Avant de procéder à la remise de la distinction de Monique, je souhaite saluer l’énergie, les talents de ses élèves. Toutes et tous, et vous les parents, vous avez eu une grande chance de croiser le chemin de Monique.

Vous avez été sa boussole pour qu’elle puisse avancer encore et toujours plus loin pour le développement de pédagogies innovantes adaptées à des élèves en difficultés dans le système scolaire « ordinaire ».

Nous allons maintenant procéder au moment solennel de remise de la distinction.

Monique, « Au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalière de l’ordre national du Mérite ».

Merci Monique pour la belle personne que tu es.

Je te passe la parole.

Annie GUILBERTEAU

Chevalière de l’ordre national de la légion d’honneur

Chevalière de l’ordre national du Mérite

Annie merci pour tes propos. ….

Je t’ai sollicitée pour me remettre cette distinction car tu es pour moi une référence sur le champ de l’égalité, en plaçant au-dessus de toutes les valeurs universelles la valeur de respect, respect de la pensée de l’autre, le respect du corps de l’autre le respect de la vie de l’autre. Tu étais venir le dire aux élèves et réfléchir avec eux sur les attitudes citoyennes en 2005.

Monsieur le Maire,

Je souhaitais que cela se fasse ici dans la mairie annexe des Quatre Moulins, mairie se dit « ti ker » en breton la maison où il y a de la vie ; et aux Quatre Moulins ce quartier accueillant où il se passe tant de choses, et où nous avons pu inventer et mener des projets en collaboration avec diverses structures … Merci donc de nous accueillir ici.

Cette distinction est la nôtre, et votre présence ici à quelque chose à voir je vais y revenir tout à l’heure.

En préambule des convictions :

– je crois en l’école

– je crois en la société d’apprenantEs (société donc tous les âges sont concernés)

– je crois à l’éducabilité de toutes et de tous

Apprendre apporte de la sérénité de l’apaisement, notamment quand la vie autour n’est pas clémente

Apprendre construit, structure, et permet l’émancipation (ne pas dépendre des experts)

Les savoirs se partagent.

On peut contraindre une personne à être présente, par contre on ne peut contraindre une personne à apprendre. La motivation n’est pas un pré-requis elle se construit au fil des expériences positives qui amènent celle ou celui qui apprend à avoir confiance dans ses capacités à apprendre.

Quand on apprend, on quitte ce qu’on connaît (situation confortable), car quelque chose de nouveau arrive et on ne sait pas répondre. Le questionnement, nous amène dans un espace inconnu qui amène le doute, un flottement. Pour affronter cet inconnu l’apprenantE a besoin d’avoir confiance dans ses capacités, de sentir que le formateur-trice, l’enseignantE, celle ou celui qui est à côté croit en elle en lui et porte un regard confiant bienveillant, mais exigeant, car être exigeantE envers quelqu’un c’est être respectueuxSE de la personne.

Après plusieurs années dans l’enseignement adapté où j’avais déjà fait le choix pédagogique de fonctionner en mode projet (réalisations de films, stages en entreprises en Roumanie, création d’album par des collégiens pour des enfants de maternelle), j’ai fait l’ouverture du dispositif Relais Rive Droite en 2002.

Dès 2003, nous avons mis en place le projet Intergener@tions.

Intergener@tions (si vous êtes ici vous connaissez, des pensées pour Mme Picot et Azdin qui auraient bien aimé être présents ce soir), qui est devenu un nom commun à Brest, on dit d’ailleurs interG, est la concrétisation de réflexions, constats, recherches, échanges, en cohérence avec des convictions et des valeurs qui me tiennent à coeur.

Intergener@tions a demandé de l’audace, de la persévérance mais a apporté tant de satisfactions pour toutes et tous. Ce projet est connu et reconnu à Brest mais aussi ailleurs .

Cette distinction est la nôtre, je vous remercie car cette aventure et les autres qui se sont greffées autour ont été possibles grâce à vous toutes et tous :

Les élèves : qui m’ont amenée par leurs comportements, leurs questions, leurs réactions, leur implication, à chercher, modifier, réfléchir réinterroger mes pratiques (pari de l’éducabilité, motivation se construit …). Je salue au passage, la manière tout au long de ces années dont les élèves (plus de 200 depuis le début d’InterG) ont accompagné les personnes âgées lors des ateliers interG, et notamment la qualité de leurs interventions. Jusqu’à la fin cela m’a apporté de l’étonnement et de l’émotion.

Les parents des élèves : (pas facile d’être parent et encore plus difficile quand à l’école c’est compliqué) qui m’ont donné leur confiance, partagé leurs difficultés, et collaboré en encourageant, en croyant dans leur enfant et en mettant des mots sur leur fierté. « Je suis un papa fier de son fils »

Les personnes âgées qui ont adhéré à l’atelier Intergener@tions et aux différentes propositions qui se sont greffées autour de l’atelier, ont montré de la curiosité là où on ne les attendait pas, l’envie d’apprendre, et ont apporté leurs expériences de vie pour aider les jeunes à se construire.

Les intervenantEs extérieurEs réguliers ou ponctuels :artistes, étudiantEs, associations, enseignantEs, animateurs-trices de la Maison de retraite et des structures de quartier, sagiaires, chercheurs, volontaires en service civique pour leurs compétences, leur disponibilité, leurs conseils, leurs idées, leur implication.

Nao, le robot qui a réellement assuré son rôle de vecteur de lien social.

Les directeurs successifs du groupe scolaire où est implanté le Dispositif Relais pour leur confiance en me laissant exercer ma liberté pédagogique, liberté pédagogique qui est inscrite dans les textes.

Le Ministère, le Rectorat et particulièrement le CARDIE (le conseiller académique recherche-développement, innovation et expérimentation) qui est venu rencontrer les élèves et qui a participé à un atelier intergener@tions, montrant ainsi aux élèves que leurs travaux étaient de qualité.

Les collègues IRL de l’établissement, les collègues des collèges de rattachement des élèves accueilliEs (personnel de direction et enseignant tuteur) pour leur curiosité, leur envie de partager, leurs compétences, leur collaboration (car en classe relais on est vite isoléE), et les collègues du nouveau réseau prof@brest pour le partage d’expériences, si ressourçant.

Les collègues de « ma salle des profs virtuelle » qui répondaient et répondent toujours présentEs via les réseaux sociaux (Brest est à l’autre bout du monde disent-ils elles). Ce réseau s’est construit grâce au numérique et aux rencontres réelles comme les forums des enseignantEs innovantEs organisés par le Café pédagogique, aux quels j’ai participé plusieurs fois et où nos travaux ont été appréciés et primés.

Le service multimédia et Internet de la ville de Brest, qui a le souci de développer la culture numérique auprès des personnes dites éloignées du numérique. J’ai trouvé auprès M Briant puis R Pichon et des personnes du service un soutien, une écoute certes mais aussi une valorisation du projet, la possibilité de « donner à voir ». Ce service permet de plus la mise en réseau des différents acteurs du numérique ce qui crée une dynamique d’innovation entre les acteurs et encourage le travail en réseau.

La Ville de Brest, le service DSU, les collègues coordinateurs jeunesse du quartier, les éluEs et anciens élus, pour l’intérêt porté à nos travaux avec par exemple, des visites lors de nos nombreuses portes ouvertes qui amenaient les élèves à montrer à expliquer à présenter leurs travaux (valorisation et gain de confiance en soi).

L’association ATD Quart monde qui, en m’invitant à leurs échanges sur l’école, m’ont aidée à percevoir ce que peut être la précarité au quotidien.

Les amiEs, et ma soeur, pour leur écoute, leurs conseils, leur curiosité ce qui me permet d’expliquer et donc de mieux structurer mes pratiques, et leurs encouragements quand le doute devient trop fort.

Des médecins car ma santé étant un peu complexe, leur accompagnement leur écoute, leurs compétences m’ont aidée à être en forme au travail tous les jours.

InterG montre que les rencontres que je nomme improbables (des ados et des personnes âgées, des étudiants ingénieurs et des collégiens en décrochage scolaire, un robot et des personnes âgées …) sont riches. Il suffit d’oser créer des opportunités de rencontres et pour la suite on peut faire confiance dans la personne humaine.

Pour vivre ensemble il faut faire ensemble et l’impossible n’est jamais certain.

Pour conclure je donne la parole aux élèves :

tout d’abord quelques propos que des élèves des deux dernières années ont écrits :

C’est une bonne école parce que quand on est dedans on se sent bien à l’aise. On aide les personnes âgées pour travailler pour leur donner confiance. On est comme dans une famille.

Ca me calme parce qu’on fait des choses pour de vrai. A la maison de retraite il faut être patient. On nous pousse à faire des choses qu’on pensait qu’on n’arriverait pas. Du coup on est fier.

Je crois que je peux réussir alors je ne fais plus mon fainéant comme avant.

C’est une aide parce que c’est important de ne pas décrocher de la scolarité. Le travail qu’on fait c’est personnel et collectif, ça aide beaucoup pour le collège pour travailler avec les autres, ça permet de s’améliorer dans les relations.

Au début on n’accepte pas facilement de venir au DR, puis au fur et à mesure, par étape, on se rend compte que c’est que du bon et que ce n’est pas pour nous pénaliser. On fait des travaux qu’on réussit mais il faut travailler pour réussir. On fait des travaux qu’au début on pense pas pouvoir faire et à force de travailler dessus de persévérer on réussit. On est fier, on est content de nous car on ne pensait pas réussir et finalement ……

On s’entraîne beaucoup à écrire du coup j’ai plus d’assurance. On cherche ses fautes, et si on les fait plusieurs fois à force de refaire on retient. On apprend quand on ne sait pas.

C’est une classe pour apprendre à travailler. C’est une autre façon de travailler qu’à l’école, on réapprend à travailler. On est moins, on a toujours « des trucs » à faire. On travaille dans une bonne ambiance, on ne se rend pas compte qu’on travaille parce qu’on fait ça avec plaisir.

On a appris à utiliser un robot pour l’utiliser avec des personnes âgées. On a organisé des portes ouvertes pour faire découvrir le DR et ça nous aide à être plus sûr de nous, à parler aux gens.

Faire ma démonstration du robot dans mon collège c’était bien car je crois que j’ai pris un peu confiance en moi car j’ai réussi.

Au DR on peut rater, on réussira après.

Et pour clore, écoutons ces élèves qui mettent l’école en difficulté car ils elles font des propositions : Clip le collège de l’espoir

Un grand merci aux personnes présentes, aux personnes qui m’ont transmis des messages bien sympathiques, et à la Ville de Brest qui a organisé cette cérémonie.

 

 

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